Il marche 1000 km à travers la France et ramasse plus de 800 kilos de déchets.

Source WE DEMAIN.FR
Propos recueillis par Juliette Bise. Rédigé le 22 Octobre 2015

 Accompagné de son amie Lola, Hervé Pighiera a joué les éboueurs pendant plus de deux mois. Après avoir parcouru mille kilomètres, d’Aix-en-Provence à Paris, les deux militants racontent à We Demain cette « marche citoyenne pour l’environnement ». Leur butin ? Mégots, canettes, bouteilles vides, emballages plastique et pièces de carrosserie de voitures.

Hervé Pighiera, en route vers Paris (Crédit : Hervé Pighiera / Lola Orsoni)

Hervé Pighiera, en route vers Paris (Crédit : Hervé Pighiera / Lola Orsoni)

À l’approche de la conférence de Paris sur le climat, les mobilisations citoyennes en faveur de l’écologie se multiplient. En témoigne la « marche pour l’environnement » dans laquelle s’est lancé ce maçon de 27 ans originaire de Gardanne, une commune des Bouches-du-Rhône, située à 15 km d’Aix-en-Provence. Pour sensibiliser le grand public à la gestion des déchets, Hervé Pighiera a décidé de nettoyer les abords des routes de France en utilisant le moyen de transport le plus simple qui soit : ses pieds.

Parti le 12 juillet du village de Puyricard, au nord d’Aix-en-Provence, il est arrivé au pied de la Tour Eiffel samedi 10 octobre, après 975 kilomètres parcourus. Accompagné d’une poubelle à roulettes et armé d’une pince, il a ramassé près de 800 kilos de détritus sur son passage. À ses côtés, son amie, Lola Orsoni, 24 ans, s’est attelée à collecter les sacs poubelle ainsi remplies à bord d’une voiture. Avec un budget très serré, le couple a pu compter sur de nombreux soutiens. Interview.

Hervé et sa compagne Lola (Crédit : Hervé Pighiera / Lola Orsoni)
Hervé et sa compagne Lola (Crédit : Hervé Pighiera / Lola Orsoni)

We Demain : Racontez-nous la genèse de cette marche​.

Hervé : Nous avons toujours eu la fibre écologiste. De mon côté, cette dernière s’est développée lorsque j’ai commencé mon activité professionnelle de maçon et découvert que certaines pratiques pouvaient causer de réels dégâts sur l’environnement : pollution des eaux et des sols, important rejet de déchets…

Lola : L’idée de la marche est venue au retour d’un voyage de plusieurs mois en Amérique du Sud, en février. Que ce soit au Pérou, en Bolivie, ou en Équateur, nous avons constaté une gestion désastreuse des déchets, qui s’amassent le long des routes, dégradent les paysages et polluent les cours d’eau. Nous nous sommes alors demandés ce qu’il en était en France, et c’est ainsi qu’est né le projet.

 Concrètement, comment avez-vous procédé à cette énorme récolte de déchets ?

Lola : Je suivais Hervé avec la voiture, équipée d’une remorque, et ramassais les sacs poubelles remplis qu’il laissait sur son passage. Tous les deux jours en moyenne, on triait les ordures : plastique, carton, verre, ferraille, et matériaux non-recyclables. Sur 140 litres récoltés par sac poubelle, nous recensions en moyenne 100 litres de déchets non-recyclables. Nous les pesions et notions le nom des principales marques avant de les jeter. Parmi celles-ci, on retrouvait très souvent McDonald’s, Coca-Cola, Marlboro et Heineken. Au total, nous avons collecté 37 000 déchets, du pneu au mégot de cigarette.

Hervé : Nous n’avons évidemment pas pu ramasser, ni même identifier tout ce qui se trouvait sur notre passage, mais les mégots, paquets de clopes, canettes, bouteilles vides, emballages plastique et pièces de carrosserie de voitures sont les détritus les plus courants au bord des routes.

Tous les deux ou trois jours, le couple trie, compte et pèse les déchets ramassés
Tous les deux ou trois jours, le couple trie, compte et pèse les déchets ramassés

Certaines villes sont-elles mieux organisées que d’autres en matière de gestion des déchets ?​

Lola : Oui. Si l’on retrouvait globalement partout les mêmes types de détritus, les quantités ramassées différaient parfois du tout au tout entre deux villes pourtant proches l’une de l’autre. Arpenter les routes de France nous aura permis de réaliser que, malgré la proximité géographique, les politiques territoriales et municipales de gestion des déchets sont parfois très inégales. Dans le Val-de-Marne par exemple, les rues de Villeneuve Saint-Georges étaient vraiment très sales, alors que les rues de Maison-Alfort, non loin de là, étaient super propres.

Comment réagissaient les gens qui vous croisaient ?

Hervé : Très positivement ! Bien que surpris au début, ils s’arrêtaient en nous voyant, parfois simplement pour nous saluer et nous féliciter, d’autres fois pour nous proposer leur aide : nourriture, dons d’argent, hébergement… Certaines personnes, que nous ne connaissions absolument pas au départ, se sont même réellement impliquées dans notre projet. Au gré de ces rencontres, nous avons modifié notre itinéraire plus d’une fois. En Seine-et-Marne, nous avons par exemple été accueillis quelques jours par le propriétaire du château de Torcy, situé au pied d’un gigantesque centre d’enfouissement des déchets.

"En sachant qu’un mégot de cigarette pollue jusqu’à 500 litres d’eau, nous pouvons évaluer dans quelle proportion nous avons aidé nos nappes phréatiques" expliquent-ils (Crédit : Hervé Pighiera / Lola Orsoni)
« En sachant qu’un mégot de cigarette pollue jusqu’à 500 litres d’eau, nous pouvons évaluer dans quelle proportion nous avons aidé nos nappes phréatiques » expliquent-ils (Crédit : Hervé Pighiera / Lola Orsoni)

Après plus de 50 jours de marche, quels enseignements tirez-vous de cette expérience? ​

Lola : Nous avons rencontré énormément d’acteurs engagés. Au niveau de la mobilisation citoyenne, le bilan est donc plutôt positif. Mais au-delà des déchets ramassés, cette aventure nous a permis de constater qu’il était urgent de mettre en place de nouveaux modes de traitement des déchets. Le triste état des routes n’est pas seulement le résultat des mauvaises habitudes des consommateurs : la responsabilité repose d’abord sur les industriels. Il reste encore énormément d’efforts à faire, tant du côté de la gestion des déchets que de la production des emballages. Il faut nettement réduire la production de déchets, et considérer la matière restante comme une ressource potentielle.

Hervé : Cela ne sera pas réglé par un simple effort citoyen, nous avons atteint nos limites, il est temps que les pouvoirs publics et les fabricants se responsabilisent et prennent des décisions concrètes. Recycler les déchets à travers un système de consigne ferait par exemple gagner beaucoup d’argent aux communes.

Que prévoyez-vous de faire à présent ?

Lola : Nous allons revenir à Paris, en train cette fois-ci, à l’occasion de la COP21 pour participer à la marche sur le climat le 29 novembre et, pourquoi pas, organiser en plus une marche collective jusqu’au Bourget. À plus long terme, nous allons privilégier les actions locales. Nous avons créé l’association Puypuy’Net dans le but de sensibiliser le grand public, en priorité les enfants, à l’écologie et à la gestion des déchets.

Hervé : Parmi nos combats actuels : lutter contre l’ouverture de la centrale biomasse à Gardanne, prévue en janvier 2016. Bien que l’objectif soit de produire de l’électricité grâce à la combustion de bois, le projet représente en réalité une sérieuse menace pour la forêt : l’implantation d’une telle centrale nécessite une quantité de bois bien supérieure aux capacités de production de nos forêts. Résultat, près de la moitié des ressources seront issues de l’importation, principalement de Russie et du Canada !

 

Pour suivre Lola Orsoni et Hervé Pighiera, rendez-vous sur leur site ou leur page facebook.

 

Ce contenu a été publié dans Les news. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.