22 juillet 2019 : En route vers le camp 1.
Réveil à 5h30 par une température fraîche mais non extrême pour une première montée au Camp 1.
Tout le monde évolue à son rythme sur l’éboulis en pente raide, les skis fixés sur le sac-à-dos.
Au bout de deux heures de marche, nous atteignons le premier névé, permettant à certains de continuer l’ascension en peaux de phoque (note JFR : on se calme… il y a belle lurette qu’elles sont synthétiques évidemment les peaux)…
Le rayonnement solaire et l’altitude (5 500 m) rendent la fin de l’ascension difficile. Nous atteignons enfin un replat où nous installons notre campement à distance respectable d’une barre de séracs.
Après quelques heures passées à cette altitude, dans le but de faire comprendre à l’organisme ce qui l’attend dans un avenir proche, redescente au Camp de Base pour une longue nuit de repos. BB
- ©G.Thevenet
- Vers 5 000 m, on commence à voir les choses de haut. ©G.Thevenet
- Denis Cottin en route vers le camp 1. ©G.Thevenet
- ©G.Thevenet
- ©G.Thevenet
23 juillet 2019 : Premier gros nettoyage.
La journée d’hier a laissé des traces. Nous avons tout de même porté une quantité non négligeable de matériel. La raison est que nous devrons, à partir de demain, passer 3 ou 4 jours au-dessus de 5 500 mètres sans retour dans la vallée.
Grasse mat donc au Camp de Base ! Et journée de repos en prévision des efforts futurs.
Mais puisque nous sommes venus pour les déchets, dès la mi-journée, nous ne pouvons-nous empêcher d’entamer un nettoyage du camp et de ses abords. Avec bonheur, un grand nombre des grimpeurs de notre expédition, qui n’étaient pas venus pour ça, nous prêtent main forte durant 2 heures sous un soleil de plomb. Nous nous amusons à nettoyer sous le nez des expéditions étrangères pour l’exemple. Le résultat ne tarde pas. Nous recevons les félicitations d’une expédition allemande.
Cela suffit pour aujourd’hui. Place à la sieste réparatrice. Avant le repas de ce soir, il est convenu que nous préparions les vivres dont nous aurons besoin durant les futures journées. BB
- Tous les déchets finissent dans l’eau ©G.Thevenet
- Philippe et François ©G.Thevenet
- Jérôme et Breffni ©G.Thevenet
- Yann ©G.Thevenet
- Marc ©G.Thevenet
- Philippe, François, Yann, Jérôme, Breffni et Clément ©G.Thevenet
- Anne-Claire et Bernard ©G.Thevenet
- Bernard, Patrick et Clément ©G.Thevenet
- Philippe ©G.Thevenet
24 juillet : Montée au camp 2.
Bonjour à tous,
Vous l’avez compris, nos amis sont pour quelques jours en haute altitude et donc dans l’impossibilité de me transmettre des messages complets. Tout au plus, quelques SMS de temps à autres.
Ils sont sur la voie historique et sont montés jusqu’au camp 2. Montée éprouvante, en zig zag entre d’énormes crevasses et séracs. 3 abandons dans le groupe à ce stade, mais nos 4 nettoyeurs sont toujours en pleine forme.
Philippe, Georges et Breffni retourneront dormir demain au Camp 2 (6 200m). (Moi je dirai s’allonger plutôt que dormir parce que à 6 000 m hein !…), puis redescendront au camp de base pour se reposer. Anne-Claire descendra récupérer au CB demain avant de repartir à l’assaut du camp 2.
J’en profite pour vous donner quelques infos sur le sommet et sur leur itinéraire (source Wikipedia et Camp to camp).
L’explorateur et géographe suédois Sven Hedin effectua la première tentative d’ascension connue en 1894. D’autres furent effectuées, en 1900, 1904 et en 1907 où une expédition anglaise arrive à 6 473 m d’altitude. En 1947, Eric Shipton et Bill Tilman arrivèrent proche du sommet mais durent rebrousser chemin pour cause de neige. En 1953, une expédition franco-suisse arrive à 7 456 m d’altitude mais doit rebrousser chemin faute de temps; pendant le retour, un Suisse tombe dans une crevasse de 76 mètres et meurt avant l’arrivée des secours.
La première ascension réussie eut lieu le 6 avril 1956 à 11 h, par une expédition russo-chinoise ayant emprunté la voie Ouest, désormais voie normale. Le Chinois Liu Lianman, connu plus tard comme « l’échelle humaine du mont Everest », faisait partie de l’expédition.
Depuis cette dernière, de nombreuses ascensions ont été effectuées, dont :
• en 1980, une expédition menée par Ned Gilette a effectué l’ascension et la descente à ski, empruntant la route Ouest, ce qui fut la première ascension à ski d’un plus de 7 000;
• en 2000, la bien plus difficile voie Sud-Est fut effectuée;
• en 2005, une route Ouest secondaire a été ouverte;
• en 2011, la Suédoise Anneli Wester a campé au sommet après l’avoir gravi en style alpin.
Petite idée du terrain qu’ils vont rencontrer :
Du camp de base avancé au camp 1 (5 500 m), montée à pied la moraine (raide mais bon sentier) avec neige sur les 300 derniers mètres. Portage possible du matos par des mules (2$/kg).
Du camp 1 au camp 2 (6 300 m), montée à ski. Vaste zone de crevasses et séracs vers 5800-5900. Zigzaguer au mieux (cordes fixes parfois utiles). Belle combe pour finir (quelques crevasses).
Du camp 2 au camp 3 (7 000 m), montée en général à ski (mur raide vers 6400 m, crampons), quelques grosses crevasses, puis pentes débonnaires.
Du camp 3 au sommet, montée directe, de moins en moins raide pour arriver au plateau sommital. Petite pyramide de cailloux de quelques mètres, c’est le sommet. JFR
- Situation géographique.
- La voie suivie est en jaune.
- Breffni et Philippe ont repéré la buvette ©G.Thevenet
25 juillet : Peaufiner son acclimatation.
Retour au Camp de Base (4500 m) après un séjour de trois jours en altitude : deux nuits au Camp 1 (5500 m) et une nuit au Camp 2 (6200 m).
Depuis ces camps enneigés, tels des balcons suspendus en plein air, nous avons une vue imprenable et époustouflante sur la vallée désertique et les chaînes de montagnes du Pakistan, Tadjikistan et Kirghizstan.
Nous passons de la neige « tôle ondulée » le matin à la neige « soupe » du soir.
Malgré ces conditions difficiles, le ski reste le moyen de déplacement le plus rapide et le plus sûr pour franchir les pentes raides et slalomer entre les crevasses. Le risque est minime tant que nous avons de la visibilité, mais ce serait une toute autre affaire en cas de brouillard. C’est la raison pour laquelle l’itinéraire est balisé par des jalons plantés dans la neige (bâtons de bambou avec un drapeau rouge).
La nuit au Camp 2 est difficile, certains parmi nous ne fermerons pas l’œil en raison du manque d’oxygène provoquant des maux de tête et des troubles respiratoires.
Après cette phase d’acclimatation endurante, c’est avec grand plaisir que nous retrouvons 1700 m plus bas un air plus respirable et le confort relatif du Camp de Base : de la nourriture chinoise préparée par une équipe de cuisiniers, de l’eau tiède pour se laver, une tente mess, etc.
Nous allons profiter de deux jours de repos pour récupérer et poursuivre le nettoyage du camp. BB
Aux dernières nouvelles, l’équipe prévoit un départ pour l’ascension du sommet lundi ou mardi selon météo (nuit C1, nuit C2, « nuit » C3, sommet + nuit C1, retour CB).
Georges, Philippe et Breffni font partie de l’équipe ascension « élite » (7 personnes). Les autres tenteront le sommet quelques jours après selon leur forme. JFR
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27 Juillet : Laisser passer l’orage.
Nous profitons d’un premier jour complet de repos au Camp de Base. Nous en avions bien besoin !
Nous prenons garde à ne faire aucun effort violent et passons la majeure partie de la journée à organiser la suite de l’expédition, tant sur le volet nettoyage que sur celui de l’ascension du sommet.
Le temps se dégrade légèrement. La pression barométrique s’effondre. Nous avons essuyé un orage dans la soirée et savourons d’autant plus notre situation privilégiée au CB, à l’abri du froid et des vents d’altitude.
Plusieurs expéditions qui en ont fini plient leurs camps : Espagnols, Chinois, Népalais… Tandis qu’une autre, française, arrive au Camp de Base.
Vous trouverez ci-joint des photos de notre passage au Camp 2 à 6 200 m d’altitude. BB
J’ai aussi reçu des nouvelles rassurantes concernant Denis qui a été transféré à l’hôpital de Pékin pour approfondir les examens. Pas plus de détails, mais a priori ça va.
Sinon aujourd’hui (28/08) ils ont eu leur premier jour de mauvais temps, mais cela ne devrait pas différer leur départ demain pour le sommet. Ils s’attendent à avoir 20 à 30 cm de neige fraîche en altitude.Cela n’a l’air de rien, mais au dessus de 6 000 m, les efforts supplémentaires coûtent chers en énergie et sont difficiles à supporter ! JFR
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28 Juillet : Les déchets en altitude.
Nous bénéficions de deux ou trois jours de repos au Camp de Base (4 500 m) avant de repartir en altitude pour une tentative d’ascension du Mustagh-Ata (7 546 m).
Qu’en est-il des déchets sur la montagne ?
Le Camp de Base avancé concentre la plus grosse population : Alpinistes en quête du sommet, ainsi que le personnel logistique (équipes cuisines, guides, porteurs, chameliers…).
On peut estimer qu’il y a en permanence environ 100 personnes pendant la saison s’étendant de fin juin à fin août. La collecte des déchets est organisée avec des poubelles disposées à proximité des tentes. Ces conteneurs sont périodiquement vidés par le personnel local, puis descendus en 4×4 vers la décharge du village de Subash. C’est néanmoins autour du Camp de Base que l’on trouve le plus de déchets au sol : bouteilles en plastique, bouteilles en verre (souvent cassées), emballages, innombrables mégots, piles, vêtements, etc. Les terriers de marmottes eux-mêmes, sont parfois obstrués par des déchets emportés par le vent…
Le sentier entre le CB et le Camp 1 compte plusieurs emplacements de bivouac. Comme la neige fond, le pierrier se dégage. Conséquence: nous ramassons deux sacs entiers de déchets.
Le Camp 1 (5 500 m) est sous la neige cette année. Il est donc difficile d’établir un diagnostic précis. Nous collectons quelques déchets visibles, à moitié ensevelis. Nous comptons une vingtaine de tentes.
Le Camp 2 (6 200 m) est situé sur le glacier. 7 tentes sont installées lors de notre passage, dont 4 pour notre groupe. Plus on monte en altitude, moins il y a de monde et moins il y a de déchets visibles. La quantité de neige les dissimule. Mais lorsque l’on creuse pour ancrer nos tentes, nous en dégageons quelques-uns !
Globalement, compte-tenu de notre expérience sur d’autres massifs montagneux fréquentés, nous trouvons que la montagne est plutôt propre.
En effet, mis à part une mini-décharge au Camp de Base accumulant plusieurs dizaines de kilogrammes de déchets, leur concentration éparse est plutôt faible.
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29 juillet : Nettoyage du camp chinois.
Il n’y a pas de hasard. Aujourd’hui, l’équipe chinoise lève le camp. Leur saison est terminée. Avec efficacité, le matériel individuel et collectif est conditionné. Nombre de pick-up sont réquisitionnés ainsi qu’une caravane de chameaux. Malgré leur bât imposant, nous sommes bluffés par l’élégance de ces animaux. A deux vitesses, le chargement sera descendu dans la vallée.
Il n’y a pas de hasard. Avec surprise, nous observons qu’une partie du personnel nettoie leur ex-campement avec application. Certains utilisent des baguettes avec la même dextérité qu’à table. ILS NOUS PIQUENT NOTRE TRAVAIL ! Nous voulons en savoir plus.
Il n’y a pas de hasard. Deux individus attirent notre attention et nous les abordons. Il s’agit de membres de la CMA (Chinese Mountaineering Association), l’équivalent de notre CAF (Club Alpin Français). De même que l’Everest et le Bughda Peak, ils sont là pour superviser la propreté des trois montagnes les plus fréquentées du pays. Leur démarche nous intéresse. Nous proposons une interview sitôt acceptée, échangeons sur nos expériences, apprenons qu’ils ont récemment participé à un stage de secourisme à Chamonix, échangeons les casquettes de nos sponsors respectifs…Nous étions destinés à nous croiser !
Nous comprenons maintenant pourquoi la quantité de déchets que nous dénichons n’a rien à voir avec les rapports faits par les guides français rencontrés en préparation de notre expédition sur la propreté du site.
Certes récente, la prise de conscience a donc bien lieu en Chine dans le milieu de l’alpinisme.
- Les responsables de la CMA ©G.Thevenet
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- Nettoyage avec des baguettes ©G.Thevenet
30 juillet : Sécurité en montagne.
Aujourd’hui, parlons sécurité en haute-montagne. Ce thème a été un fil conducteur pendant toute l’expédition, l’objectif étant de tous rentrer sains et saufs de cette aventure !
La sécurité est à prendre en compte très sérieusement dans les expéditions himalayennes car nous ne pouvons pas compter sur des secours extérieurs comme en France.
Voici quelques risques rencontrés, et comment nous y avons fait face :
*Avalanche : le port individuel d’un ARVA (appareil de repérage de victime d’avalanche), d’une pelle et d’une sonde est indispensable dans les zones à risques. Une bonne connaissance de la neige permet d’éviter de se mettre en danger inconsciemment. Au Mustagh-Ata, la pente étant faible (<35°), le risque d’avalanche est limité.
*Crevasses : Déchirures dues au plissement du manteau neigeux. Dans les zones crevassées, il est indispensable d’évoluer encordés. Le Mustagh-Ata compte de nombreuses crevasses entre le Camp 1 et le Camp 2 qui sont balisées par les jalons.
*Froid : Nous étions tous équipés pour lutter contre des températures pouvant atteindre -35°C (moufles, doudoune, duvet…). Il faut se protéger du vent lors de l’ascension La température ressentie peut atteindre -40°C, voire moins. Le jour du sommet, la température était d’environ -25°C, avec un vent inférieur à 30 km/h, conditions que l’on peut considérer comme correctes.
*Maladie : Notre trousse de secours contenait de quoi traiter la plupart des petits ennuis médicaux classiques : plaies, maux de gorges, diarrhées, constipations … Notre équipe comptait deux pharmacien. Nous étions donc entre de bonnes mains !
*Mal des montagnes : II se manifeste à partir d’environ 3 000 m. Les effets s’amplifient avec l’altitude : mal de tête, nausées, vertiges, œdème pulmonaire, œdème cérébral …
Pour prévenir le mal des montagnes, il faut s’acclimater, c’est-à-dire monter lentement, par paliers. Certaines expéditions prévoyantes comme la nôtre, s’équipent par sécurité d’un caisson hyperbare permettant de traiter rapidement les symptômes du mal des montagnes. Nous n’avons pas eu besoin de l’utiliser car tout le monde s’est bien acclimaté.
*Météo : Afin d’éviter de prendre des risques par mauvais temps (vent, neige, brouillard…), notre expédition a eu recours aux services du « routeur » Yan GIESENDANNER, basé à Chamonix. Ce spécialiste qui a travaillé chez Météo France, nous a communiqué un bulletin météo quotidien précis, permettant d’élaborer notre stratégie d’ascension du Mustagh-Ata.
*Séracs : Amas de glace suspendus, parfois de la taille d’un immeuble. Leur chute peut intervenir à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Le seul remède : les éviter, et si ce n’est pas possible, rester le moins longtemps exposé. Au Mustagh-Ata, le Camp 1 est situé sous une impressionnante barre de séracs, mais à une distance de sécurité suffisante.
*Soleil : Sur glacier, l’idéal est de ne pas s’exposer au soleil. Même avec de l’écran total, les UV A et B brûlent la peau. Malgré les précautions que nous avons prises pendant l’expédition, nous avons tous légèrement brûlé une partie de notre visage (lèvres, nez, front, certains la langue !).
Nous avons été encadrés par trois guides très compétents, Alekseï BOBKOV (guide russe), Clément FLOURET et Bernard MULLER, une référence pour les expéditions himalayennes et polaires, avec 6 sommets de 8 000 mètres à son actif. C’est leur expérience qui a été le meilleur gage de sécurité pendant toute l’ascension !

Dans le caisson, Breffni, mis sous pression par Philippe et surveillé par Clément. ©G.Thevenet
1 août : On monte.
Hello tous !
2 courts messages de Breffni reçus en whatsapp ce jour mais surement envoyés hier et aujourd’hui… je vous les livre tels quels. Ça à l’air difficile pour eux en raison de la neige fraiche notamment…. JFR
« Salut Jeff. J’ai bien récupéré au CB. Je suis au C2 avec Philippe en direction du sommet que nous devrions atteindre jeudi matin après une nuit au C2 puis une au C3. Le temps se dégrade un peu (il a neigé 30 cm avant-hier soir), il faut viser la fenêtre météo favorable de jeudi : soleil et pas de vent !
Anne-Claire et Georges sont dans le groupe suivant : ils sont montés ce matin au C1, puis C2 demain, puis sommet directement jeudi sans nuit au C3 (ça sera chaud pour eux, très grosse journée !). Anne-Claire ne vise pas plus haut que C2, mais Georges est en forme et tenterait bien le sommet. On verra !
Je te tiens au courant quand j’ai du réseau. A+ » Breff.
« Bonjour. On a calé dans la montée au C3 : sacs trop lourds et il faut faire la trace dans 20 cm de neige…
On a donc planté les 2 tentes au milieu de la pente à 6 640 m d’altitude en creusant une plate-forme. On partira demain vers 4h pour le sommet depuis ce camp intermédiaire (Camp 3 inférieur), en espérant que ça ira mieux avec des sacs légers !
La météo est bonne, avec un vent de 30 km/h acceptable.
On verra, c’est dur ! A+ » Breff.
Suite dans : Nettoyage du Mustagh-Ata (3ème partie) …